Jaquette Chrono Cross

Ma Chrono Cross est ancienne mais tient toujours la route

La série des Chrono (Chrono Cross et Chrono Trigger), à l’instar de la série Dragon Quest, est représentative de la situation du jeu vidéo et particulièrement des J-RPG en Europe dans les années 1990 : des succès commerciaux au Japon et aux Etats-Unis qui n’ont jamais été édités dans le vieux continent alors que l’effort de traduction dans la langue de Shakespeare avait été déjà fait. Paradoxe encore plus étonnant pour Chrono Cross qui était sorti après le raz-de marée Final Fantasy VII et les nombreux RPG qui avaient fait de la ludothèque PS1 un paradis pour les amateur du genre.

Le paradis des kikoojap

Ayant découvert la série des Chrono avec la réédition sur DS en 2009 de Chrono Trigger, miraculeusement localisé en français et qui accessoirement m’a fait rater ma classe préparatoire, je lança avec joie cette compilation HD regroupant Chrono Cross et Radical Dreamers.

Ma tenue pour mes oraux de concours, un semi-échec

Chrono Cross Radical Dreamers est une compilation regroupant Radical Dreamers et Chrono Cross. Radical Dreamers est un visual novel sorti en 1996 sur une extension de la Super Famicom baptisée Satellaview. Il se voulait être un complément de Chrono Trigger afin de compléter et donner une dimension supplémentaire au lore de l’univers. Purement narratif, ce jeu est intéressant par les nombreux éléments de contexte et de compréhension qu’ils apportent à l’œuvre Chrono Trigger. Il faut néanmoins ne pas être allergique au genre si particulier du visual novel. Ce jeu servira de base au scénario de Chrono Cross en reprenant les personnages (Serge, Kid, Magil et Lynx), les éléments scénaristiques (dévoreur du temps, flamme gelée, œuf du temps). Il se situe dans une réalité parallèle de Chrono Trigger et Chrono Cross. Mais trouve sa place dans la continuité.

La fameuse Satellaview

Ne le cachons pas, le gros poisson de la compilation est Chrono Cross. Ce jeu PS1, édité par Squaresoft, est sorti en novembre 1999 au Japon puis en 2000 aux USA. Bien que le premier tiers du jeu peut le faire paraître comme totalement indépendant du premier opus, sa deuxième et troisième partie le relient fortement et en font donc la suite directe de Chrono Trigger. C’est pourquoi je vous conseille fortement si vous n’avez pas fait le premier opus de le faire ou bien de vous rafraîchir la mémoire si son histoire vous parait lointaine.

We are connected, bro

Un portage qui rend le jeu jouable en 2023

Pour un jeu PS1, les graphismes sont vraiment beaux. Le lissage HD permet de profiter des arrières plans et décors qui pour l’époque s’avéraient magnifiques. Le lissage des personnages rendent les textures moins abrupts mais ne font pas de miracles non plus. La qualité des musiques est magistrale. Notons également une localisation française de grande qualité. Des ajouts appréciables ont été effectués :

  • Une option permettant d’éviter les ennemis apparaissant sur la carte afin de gagner du temps. Le jeu ne disposant pas de niveau, il n’est pas nécessaire, au contraire des JRPG de l’époque, de farmer pour battre les boss. Ce sont ces derniers qui permettent véritablement de booster nos personnages.
  • Un mode vitesse *2 qui se révèle indispensable de mon coté tant le jeu peut paraître lent dans ses déplacements par moment.
  • Un mode vitesse *0,5 qui permet de réussir les quelques phases de plate-forme/action rendu difficile par des déplacements d’un autre temps
  • Un mode facile permettant de profiter de l’histoire sans se heurter à la complexité des questions. Le seul véritable point noir de ce portage est les ralentissements fréquents que connaît le jeu lors de certains combats alors qu’il s’agit d’un jeu PS1 que nos consoles actuelles sont plus que largement capable de faire tourner.
Des arrières plans de qualité, une modélisation des personnages qui accusent un peu leur âge

Un gameplay exigeant avare d’explications


Le jeu démarre tambour battant par un donjon avec des personnages déjà à un niveau élevé et dont les techniques ont été débloquées. Cette introduction a le mérite de vous faire entrer de force dans le gameplay complet et soyons honnête de complètement vous perdre. Heureusement tout ceci n’est qu’un rêve et vous vous retrouver avec un seul protagoniste et zéro technique. Petit conseil : ne ratez pas le tutoriel caché au village de départ disponible qu’à bas niveau sinon ce n’est pas marrant. Comprendre le jeu sans relèvera de l’exploit.

Ma réaction en m’apercevant que je ne pouvais plus suivre le tuto

À chaque nouveau RPG, Squaresoft mettait en place un nouveau système de combat, Chrono Cross n’y fait pas exception. Les actions du joueur se comptent au nombre de 4 : Attaquer, Elements, Défendre, Fuir. Le joueur dispose d’une jauge d’énergie qui va jusqu’à 7, chaque action dépensant un nombre de point d’énergie. À la fin du jeu, je n’ai toujours pas compris comment cette barre se rechargeait. Pour attaquer, le joueur dispose de trois attaques : une faible qui dépense un point d’énergie et qui a un pourcentage élevé de réussite, une moyenne qui dépense deux points d’énergie et qui a un pourcentage moyen de réussir et enfin une forte qui dépense trois points d’énergie mais qui a un pourcentage faible de réussir.

A chaque attaque réussie, le pourcentage des attaques suivantes augmentera et vous obtiendrez des points de magie (le nombre dépend de la puissance de l’attaque ) qui vous permettront d’utiliser des éléments réparties sur différente grilles, chaque grille dépensant un ou plusieurs points de magie. A noter qu’un élément n’est utilisable qu’une fois par combat. Les éléments sont réparties en 6 couleurs (noir, blanc, rouge, bleu, jaune, vert), ils peuvent être défensifs ou offensifs. Chaque personnage dispose d’une couleur principale mais cela ne l’empêche pas d’utiliser des éléments d’autres couleurs. Chaque couleur a son opposé. Équiper son personnage des éléments adéquats est compliqué , heureusement un remplissage automatique est disponible. Côté équipement, le jeu est un grand classique de ce côté là avec une forge disponible pour fabriquer ses équipements.

Les fameux pourcentages de réussite

La vraie difficulté du jeu réside dans ses combats de boss et sur les bons éléments à associer. Car à chaque couleur d’éléments utilisés, une partie du champs de combat changera de couleur. Si les trois parties du champ sont de la même couleur alors les éléments utilisés de la couleur correspondante seront dévastateurs. Hormis certains boss, il est tout à fait possible de fuir et de revenir avec les éléments adaptés à la situation. Le jeu est dur et les derniers combats arracheront quelques uns de vos précieux cheveux. J’ai d’ailleurs une tonsure depuis le luminotaure.

Vous risquez de le voir assez fréquemment ce bel écran de Game Over

Comme vous l’aurez compris, le jeu est complexe et il aurait été appréciable de pouvoir refaire le tutoriel afin de revoir la théorie après la première mise en pratique.

Une première partie magistrale, une suite dépendante de son propre passé

Le synopsis de jeu est classique : Serge, adolescent apprenti pécheur, offre des griffes d’iguane à son amie pour lui confectionner un collier sur la plage quand ce dernier s’évanouit et se retrouve dans un monde parallèle où son existence s’est achevée il y a 10ans d’une noyade tragique ou d’une attaque de panthère démoniaque (je laisse le doute afin de ne pas vous divulgacher le scénario). Serge découvre sa tombe et se retrouve face à des soldats à la recherche d’un fantôme réincarné (Serge en l’occurrence) qui le défient afin de le capturer et de le livrer à un dénommé lynx. Face à ce combat mal engagé, Kid, une adolescente du même âge que Serge qui voue une haine féroce à Lynx, fait irruption afin d’aider notre héros. Je n’en dévoile pas plus, de peur de vous gâcher le souffle narratif de Chrono Cross.

Lynx le méchant trop pipou

Sous ses thématiques classiques des JRPG des années 90 (ces thèmes se retrouvent dans la seconde trilogie des Dragon Quest par exemple) , la première partie de Chrono Cross est une véritable surprise dans la façon d’aborder la puissance des choix et des actions humaines sur son environnement. Un choix va par exemple vous permettre de recruter un personnage dans votre équipe mais vous privera par la suite d’autres potentielles recrues. Mais ce qui est vraiment marquant, c’est qu’une action jugée bonne (sauver un personnage ou non) va entraîner la destruction de deux espèces de vies et d’un écosystème entier. Ces conséquences, suite à un choix qui paraissait forcé (peu de joueurs, à mon avis, choisissent dans une première partie de laisser mourir un protagoniste), amènent le propre joueur à s’interroger sur ses propres choix et en général sur les actions humaines qui aboutissent à la situation de notre planète aujourd’hui. Rarement un jeu aura traité avec tant de finesse et subtilité les thématiques de l’environnement et de l’impact humain. La première partie de Chrono Cross est une véritable maestria dans ce traitement des choix et des conséquences.

La force et peut-être la faiblesse de Chrono Cross est, dans sa deuxième partie, de proposer un virage à 180° dans le traitement scénaristique. Dans cette partie, il n’est plus question de choix mais de découvrir les conséquences de ses choix et des effets dévastateurs qu’ils ont pu engendrer. Ce dogme est déstabilisant dans un premier temps mais se révèle finalement très complémentaire de la première partie. Cette deuxième partie explicite les réels enjeux derrière les actions de l’antagoniste Lynx et tissent les premiers liens avec Chrono Trigger.

C’est à ce moment-là que le jeu marque un réel virage narratif, les deux premières parties pouvaient être comprises sans avoir fait Chrono Trigger, la troisième partie ne pardonne pas cette absence. Les références sont très, très nombreuses. Ayant fait Chrono Trigger il y a 10 ans, il m’a été difficile de comprendre toutes les références et de m’y retrouver. A tel point que j’envisage désormais de relancer Chrono Trigger et ensuite de refaire Chrono Cross. Heureusement le mode new game + et la possibilité de désactiver les combats permet d’en voir le bout en une poignée d’heures. C’est pourquoi, même si je suis sceptique sur la troisième partie, il convient de lui laisser une seconde chance en ayant l’historique des opus précédents en tête. Malgré cela, l’histoire de Chrono Cross et ses thématiques traitées vous marquent et vous font réfléchir même la console éteinte.

Votre état mental après une partie de Chrono Cross

Une structure ludo-narrative d’un autre temps

Il est difficile de juger Chrono Cross en 2023 tant les jeux vidéos et leurs critères d’appréciations ont évolué. Il ne faut pas oublier par exemple que, jadis, la durée de vie était un critère essentiel dans la notation des jeux. Cela se retrouve dans Chrono Cross où quelques allers-retours paraissent aujourd’hui futiles, la vitesse *2 rend néanmoins cela acceptable.

Le jeu vidéo des années 2010 et 2020 ont rendu le jeu dirigiste, il y a des marqueurs de quête , des indications permanentes parfois même des chemins pré-tracés. Oubliez tout ça dans Chrono Cross, les indications sont minces et éparses. On passe généralement du temps à chercher ce qu’il faut faire pour faire avancer l’intrigue. Ca présente un certain charme comme une certaine frustration. Pour ma part, j’ai opté pour des recours à la solution du jeu quand le niveau de frustration excédait celui du plaisir. Mention spéciale pour obtenir la vraie fin où il faut sur le dernier boss utiliser les 6 différentes couleurs d’éléments dans un ordre précis et enfin sur servir pour la première fois d’un nouvel élément qu’il fallait au préalable débloquer et équiper (tout en sachant qu’il s’agissait d’u élément). Sans cette subtile manipulation, vous obtenez la mauvaise fin qui est juste un écran-titre sans explication (de quoi vous dégoûtez du jeu). Le charme des années 90.

Le jeu dispose de plus de 40 personnages jouables alors qu’on en utilise seulement trois en combat. Cette course au nombre (que l’on retrouve dans Suikoden aussi) se relève contre-productive. Trop peu de personnage sont travaillés et disposent de réelles raisons de rejoindre l’équipe. Si bien qu’à chaque nouvelle recrue l’intérêt laisse très vite la place à l’indifférence face aux nouvelles arrivées fréquentes. Dès qu’un personnage a plus de 4 lignes de textes, on a l’impression, souvent à raison, qu’il intégrera l’équipe à termes. Au final, le casting aurait pu être moins étoffé mais plus qualitatif.

Too many guys on the dancefloor

Que vaut Chronos Cross aujourd’hui ?

Sous-condition d’avoir bien en tête Chrono Trigger et de replacer le jeu dans son contexte temporel, Chrono Cross est un œuvre majeur du JRPG tant son histoire distille tout au long du jeu un souffle mélancolique qui restera longtemps dans les mémoires et pensées des joueurs. Il faut parvenir à accepter ses légers défauts pour pleinement apprécier cette ode à l’humanité et à l’ambivalence de sa condition terrestre.

Le_Daron_Nul

Le_Daron_Nul

Amateur de farm depuis ma plus tendre enfance, j’apprécie arriver au boss de fin avec une dizaine de niveaux au-dessus afin de passer un agréable moment.

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