Jaquette Chained Echoes

Chained Echoes : Entre hommage et modernité

Passé un peu inaperçu en fin d’année dernière, Chained Echoes a commencé à faire parler de lui dans les communautés de fans de RPG une fois l’euphorie des fêtes retombée. Se présentant comme un hommage à l’ère 16 bits – principalement la SNES – Chained Echoes est-il en mesure de s’asseoir à la même table que ses illustres modèles ?

Test réalisé sur Switch à partir d’une version digitale achetée par mes soins.

One man army

Matthias Linda est un allemand qui a grandi avec la SNES. Amateur de RPG, il cite régulièrement Final Fantasy VI, Suikoden 2 et Xenogears comme étant ses plus grandes influences. Après avoir bidouillé quelques temps sur RPG Maker (notamment des fangames dédiés à FF VI), il décide d’apprendre à utiliser Unity et se lance seul dans la création d’un jeu aux ambitions presque démesurées pour un seul homme : réussir à créer un titre synthétisant ce qu’il appelle l’âge d’or des JRPG, tout en restant assez moderne pour le public actuel.

Après sept ans de travail et un Kickstarter réussi en 2019, Matthias Linda recevra le soutien de Spotlight et Deck13 Interactive pour enfin publier le fruit de son dur labeur: Chained Echoes.

Le titre est sorti sur PC, PS4, Xbox One et Switch le 8 décembre 2022.

Sortant d’un Crisis Core un peu ennuyeux, j’étais à la recherche d’un vrai bon RPG à l’ancienne. Et après avoir vu ce trailer mêlant méchas, magie et fantasy, j’ai décidé de plonger dans ce monde ravagé par la guerre. Et j’ai adoré mes cinquante heures de jeu pour tout compléter. J’arrive donc un peu en retard, mais si ce test peut convaincre quelques-uns d’entre vous de franchir le pas, j’en serai ravi !

Un monde en guerre

Après un cliché du JRPG habilement réutilisé, notre aventure commence dans la peau de Glenn. Jeune mercenaire au sein de la bande du Taureau de Fer, c’est aussi un pilote émérite d’armure céleste, sorte de mécha tout droit tiré de Xenogears.

Faisant office de tutoriel, le début du jeu commence sur un assaut mené contre une cité adverse. Malheureusement, les choses ne se dérouleront pas comme prévu et une terrible explosion ravagera toute la région ouest du continent de Valandis…

Un an plus tard, les tensions entre les différents royaumes sont ravivées par une attaque sur la ville de Farnsport. Aux côtés de la princesse Celestia, vous devrez faire route jusqu’à Tormund pour faire toute la vérité sur cette histoire.

Les choses s’avèreront cependant bien plus compliquées que prévu et votre quête prendra des dimensions épiques jusqu’à ce final marquant et riche en émotion.

Une histoire haletante

Sans trop en dévoiler sur l’histoire, la trame prend un tournant assez inattendu après un premier acte somme toute classique et n’aura de cesse de monter en puissance. Ce crescendo est soutenu par le talent d’écriture de Matthias Linda qui parvient, via des dialogues intéressants et loin des sempiternelles niaiseries envahissant habituellement les JRPG, à donner vie à des personnages attachants et au passé travaillé.

Malgré un casting imposant, chaque héros a le droit à son moment, sa quête, son combat. L’occasion d’en apprendre plus sur lui et ses motivations. Les histoires de chaque protagonistes finissent par se regrouper pour former un ensemble cohérent et intéressant (chose qu’avait échoué à faire Octopath Traveler par exemple).

La mise en scène joue aussi un rôle important et en multipliant les points de vues et les situations, Matthias Linda place indices et mystères qui font que l’on arrive tout simplement pas à lâcher la manette.

Mention spéciale à Glenn qui, sous ses airs de Vaan bis, est parvenu à me faire verser une larmichette lors d’une séquence incroyable en fin de jeu. Une réussite totale.

Carte monde Chained Echoes

Des thèmes très matures

Petit mot sur les thèmes abordés dans Chained Echoes : préparez-vous.

Sous ses airs de jeu mignon, le titre est très adulte et sombre. Loin des guerres édulcorées des JRPG classiques, Chained Echoes se montre sans concession. Famine, torture, massacres, trahisons, viols et même parallèle avec l’arme atomique… seront au programme sans jamais tomber dans la surenchère gratuite.

Vos actes seront aussi régulièrement questionnés et s’il n’existe pas de choix à proprement parler (le jeu étant linéaire), voir nos héros se poser des questions sur le bien fondé de leurs actions nous pousse à nous interroger sur ce que nous ferions dans pareilles situations.

Un rythme trop effréné

Tout n’est cependant pas parfait et Chained Echoes souffre d’un problème de rythme assez rare : celui de ne jamais laisser le joueur souffler.

À l’image d’un FF XIII, l’action est menée tambour battant, les situations se succèdent et les passages les plus calmes sont de courte durée. Le tout est accentué par des combats qui demandent une attention de tous les instants, si bien que l’on ressort d’une session de jeu heureux mais épuisé.

Sans doute conscient de cela, Linda a disséminé de nombreuses références à d’anciens jeux et a parsemé les dialogues secondaires de traits d’humour réussis pour nous laisser respirer un peu entre deux événements dramatiques. Heureusement, passé un certain point dans l’aventure, vous débloquerez l’inévitable vaisseau. Libre à vous dès lors de voyager de part le monde pour réaliser quelques quêtes annexes.

D’ailleurs concernant ces quêtes, elles sont toutes scénarisées et offrent des éclairages sur l’univers de Valandis, certains personnages et donnent lieu à quelques moments riches en émotions (la quête des gobelins…).

Des inspirations fantasy

Si Chained Echoes puise ses inspirations dans de nombreux jeux, il en est un qui m’est revenu régulièrement à l’esprit : Final Fantasy XII. Outre le héros qui ne semble pas savoir ce qu’il fait là, les premières heures rappellent énormément l’introduction du meilleur FF (en toute objectivité bien sûr).

Infiltration du palais royal, rencontre avec une princesse déchue, passage dans les égouts… La ressemblance ne s’arrête pas là puisque la chasse de monstres uniques ou bien encore l’importance de la politique au sein de l’histoire font là encore écho au jeu de Square Enix.
L’ultime clin d’œil se fera vers la fin de l’aventure mais je vous laisse le soin de le découvrir par vous-mêmes !

Vue du dessus personnages de Chained Echoes

Combats old-school mais pas trop

Qui dit JRPG, dit exploration et combat. Deux points d’une importance capitale aux yeux de nombreux joueurs et qui peuvent saboter une histoire bien ficelée en cas de raté.

Heureusement, Matthias Linda maîtrise son sujet et Chained Echoes est un plaisir à parcourir de bout en bout. Le titre est découpé en grandes zones, elles-mêmes divisées en plusieurs parties. Point de monde ouvert mais de vrais environnements à l’ancienne bénéficiant d’un level-design travaillé et maîtrisé. On ne se perd jamais dans nos différents voyages et l’objectif est toujours clairement indiqué sur notre carte.

Seules les échelles sont difficilement repérables mais bon, je commence à me faire vieux… L’exploration n’est toutefois pas une balade de santé puisque vous serez régulièrement confronté à des énigmes, vous obligeant quelques instants de réflexion. Là encore, l’hommage au passé est évident et vous activerez des centaines de leviers et pousserez tout autant de blocs. Mais ce qui vous prendra le plus de temps, ce sont les combats.

Equipe Chained Echoes niveau avec de l'herbe

L’île de l’ermite

Arrivé à un certain point, vous débloquerez l’accès à votre propre base. Située sur une île déserte, il vous faudra l’améliorer en recrutant différents personnages disséminés aux quatre coins du monde. Rappelant fortement Suikoden et sa quête des 108 étoiles, cette reconstruction de notre QG est très agréable à suivre puisque l’on verra notre base se remplir de vie, de nouvelles boutiques s’ouvrir et même assister à quelques dialogues étoffant les liens entre nos héros.
L’île de l’ermite finira par devenir un passage obligatoire avant chaque mission !

Du tour par tour à l’ancienne

Et justement parlons-en des combats. Tel un Chrono Trigger en son temps, les ennemis sont visibles sur la carte et vous attaqueront si vous approchez d’un peu trop près. Une fois en combat, c’est du très classique tour par tour.

À l’instar de FF X, l’ordre des actions est constamment visible à l’écran et varie selon vos choix de compétences. Attaque classique, défense, objets et compétences propres à chaque personnage, rien de révolutionnaire.

Non, là où Chained Echoes se démarque c’est avec sa jauge de synergie.

Située en haut à gauche de l’écran, elle est divisée en trois segments colorés. Un curseur (situé tout à gauche au début) va se déplacer à chaque action réalisée par un personnage, allié ou ennemi. Tant que le curseur est dans le jaune, rien de spécial. En revanche, si vous passez en vert vos compétences coûtent moins de PT et vos stats seront boostées.

Le moment de lancer vos plus grosses attaques donc mais attention à ne pas trop en faire sinon c’est la surchauffe qui vous attend. Une fois dans le rouge, le coût de vos techniques et augmenté et ce sont vos ennemis qui seront avantagés.

Autant vous dire qu’une attaque spéciale de boss subie en pleine surchauffe vous emmènera directement sur l’écran de Game Over.
Seul moyen de diminuer cette jauge : la défense ou le changement de personnage.
Oui comme dans FF X encore.

Un poil compliquée à comprendre et exploiter en début d’aventure, la jauge de synergie deviendra rapidement l’un des éléments les plus importants de vos combats. Surtout que vous débloquerez de plus en plus de techniques pouvant influer sur celle-ci. Les combats sont très prenants et chaque rencontre peut se finir par une mort si vous les faites à la légère.

Le moindre monstre possède une barre de PV conséquente et des moyens plus qu’efficaces de vider la vôtre. On ne s’ennuie donc jamais mais encore une fois, on ne peut jamais vraiment souffler. Il se peut que la perspective de vous battre de toutes vos forces contre la première abeille venue ne soit pas votre tasse de thé.

Un RPG sans besoin de farm !

Et là je vous vois déjà vous dire « Bon bah au pire, je vais farmer et rouler sur le jeu« .

Eh bien non bande de petits margoulins ! Chained Echoes a pensé à tout et le seul moyen de monter de niveau – et donc d’apprendre de nouvelles techniques – est de récupérer un éclat de Grimoire en vainquant les boss. Une fois cet éclat en poche, vous pourrez choisir entre une compétence d’attaque, une passive ou une amélioration de statistique.

Je vous recommande fortement de lire toutes les compétences avant afin de prévoir votre build en avance pour ne pas galérer inutilement sur certains passages. Toutefois, le jeu est assez bien équilibré et toutes les approches restent viables.

Cette limitation en termes de niveaux n’est pas trop contraignante car le casting est très varié et on peut switcher de personnage facilement pour changer de style de jeu et éviter de répéter les mêmes actions en boucle.

Vous trouverez également au cours de votre aventure des emblèmes de classe. Cachées un peu partout dans Valandis, ces objets s’équipent à un héros pour modifier ses statistiques et lui octroyer des attaques exclusives à cette classe. De quoi personnaliser encore plus votre équipe.

Dernier point sur les compétences, vaincre des monstres vous rapporte des PC qui servent à améliorer des techniques déjà apprises. On passe facilement à côté de cette possibilité en début d’aventure mais elle se révélera capitale pour les ennemis les plus puissants.

Vous aimez les méchas ?

Très largement mis en avant durant la promotion du jeu, les méchas sont bien évidemment de la partie et un rôle extrêmement important dans le gameplay.

Ces armures célestes deviennent disponibles assez tard dans l’aventure mais révolutionne complètement notre approche de l’exploration. En effet, d’une simple pression sur la gâchette vous pouvez grimper à bord de votre robot et survoler les zones.

Coffres cachés, zones secrètes et monstres uniques sont désormais à votre portée et il y a de fortes chances que, comme moi, vous retourniez dans tous les lieux précédemment explorés pour dénicher de jolies trouvailles.

Ces armures sont aussi l’occasion de prendre votre revanche sur d’anciens ennemis vous ayant flanqué une rouste. En effet, si vous pouvez voler au-dessus de tout ce beau monde, vous pouvez aussi décider de rester eu niveau du sol pour entrer en mode combat à bord de vos robots. Le gameplay s’en retrouve un peu chamboulé puisque vous devrez gérer vos vitesses en plus de la jauge de synergie.

  • En vitesse 0, vous ne pouvez effectuer que des attaques normales qui rechargent vos PT, mais la jauge de synergie ne bouge pas.
  • En vitesse 1, vos compétences deviennent accessibles et le curseur de synergie se déplace vers la droite à chaque tour.
  • Et enfin en vitesse 2, les dégâts infligés comme reçus ainsi que le coût des compétences sont augmentés mais le curseur se déplace vers la gauche.

À vous de gérer votre vitesse donc !

Combat dans Chained Echoes

Un presque sans-faute artistique

Profitant d’une direction artistique colorée, Chained Echoes fourmille de détails et s’avère être un plaisir pour les yeux. Les sprites des personnages sont bien animés, les arrière-plans offrent de jolis panoramas… Bref, c’est très bon.

À une exception près : les portraits des héros et des PNJ manquent clairement de charisme pour la plupart. Assez insipide et passe-partout le character-design se perd parfois dans d’étranges territoires comme lorsque l’on rencontre ces sortes d’hommes-poissons avec un scaphandre sur la tête…

Ce manque de personnalité d’un point de vue esthétique est heureusement compensé par l’écriture, mais un effort à ce niveau-là aurait été appréciable… Ce reproche n’est pas applicable au bestiaire qui s’avère très fourni et plutôt original. La facilité du color-swap est même presque totalement évitée, chaque environnement abritant ses propres créatures.

Une bande son de qualité

Je vous ai dit au début de cette critique que Matthias Linda était seul sur ce projet. Ce n’est pas tout à fait vrai puisqu’il a fait appel à Eddie Marianukroh pour la musique. Le compositeur nous offre 50 pistes dans le plus pur style JRPG de l’époque 16/32 bits et c’est une franche réussite. Les thèmes des villes sont entraînants, la musique des affrontements nerveuse à souhait et les moments marquants sont portés par des mélodies à la beauté envoûtante.

Personnellement, j’ai trouvé l’OST parfaite et j’écoute encore régulièrement quelques morceaux. Elle a d’ailleurs été mise à disposition sur YouTube par Eddie Marianukroh et je vous la repartage ici.

Une technique impeccable

D’un point de vue plus technique, le jeu tourne sans problème sur Switch.

Deux petits bémols toutefois :

  • La traduction française s’égare par moments et certains termes sont restés en anglais. Rien qui n’entrave la compréhension générale et des patchs sortis depuis ont peut-être corrigé ce problème.
  • Autre souci, j’ai personnellement eu un peu de mal avec la caméra qui colle au personnage. Cela m’a demandé un certain temps d’adaptation et les premières heures me donnaient mal à la tête tant celle-ci bougeait vite.
    Là encore, c’est quelque chose de très personnel et cela ne posera sans doute pas de problèmes à d’autres.
Dialogue dans Chained Echoes

Chained Echoes est un excellent jeu et sans aucun doute mon jeu préféré de 2022. Oui, même devant Elden Ring. Véritable hommage aux JRPG de mon enfance, il a su réutiliser des codes maintes fois vus de manière moderne et efficace. Les combats au tour par tour sont plaisants, stratégiques et vraiment gratifiants. L’exploration quant à elle jouit d’un pixel art de toute beauté et d’une bande sonore enchanteresse. Matthias Linda a signé là un classique instantané pour quiconque a grandi dans les années 80-90. Quant aux plus jeunes, c’est une excellente porte d’entrée vers le monde merveilleux du rétro-gaming.

AlxZ_Rex

AlxZ_Rex

J'écris mes articles à Rabanastre tout en recherchant mon courage dans Alien.

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