Elden Ring Shadow of the Erdtree : le retour du roi

Après avoir écrasé la concurrence en 2022, Elden Ring peut-il réitérer l’exploit avec son DLC ? Oui… mais. Et nous allons voir pourquoi dans les lignes qui suivent.

Une longueur d’avance

Dire que FromSoftware avait donné une leçon de game-design avec Dark Souls premier du nom est un euphémisme. À l’aide d’un level-design incroyablement bien pensé encourageant l’exploration, des affrontements marquants et une difficulté exigeant observation et persévérance, le jeu se plaçait à contre-courant de ses homologues bien plus consensuels. Un pari risqué qui a porté ses fruits en embarquant des millions de joueurs dans les méandres de Lordran. S’en est suivi des titres tout aussi excellents – mis à part Dark Souls II peut-être – et une renommée grandissante pour le studio et surtout pour le papa de la franchise, Hidetaka Miyazaki. Un homme qui aime la souffrance, les marais empoisonnés et nerfer les builds les plus puissants la veille des sorties de DLC.

Comme toute industrie découvrant un nouveau filon prometteur, nombre de studios se sont engouffrés dans la brèche du « Souls-like » sans jamais toutefois atteindre la maîtrise de FromSoft. Sont alors apparus une tripotée de jeux « difficiles et à l’ambiance sombre » allant du mauvais – Lords of the Fallen version 2014 – au très sympathique – The Surge 2. Quelques titres ont également apporté un petit twist à la formule initiale comme les Nioh qui mettent de côté les zones interconnectées au profit de niveaux à sélectionner. Si bien qu’il est désormais difficile de définir ce qu’est réellement un Souls-like tant il y a de jeux qui s’apposent cette étiquette ou se la voit affubler – souvenez-vous de Crash Bandicoot 4, le « Dark Souls » des jeux de plate-forme… Mais loin de s’inquiéter face à l’émergence de ces concurrents, FromSoft a prouvé qu’il avait toujours un coup d’avance. D’abord en sortant Bloodborne, une version bien plus agressive de Dark Souls troquant boucliers et grosses armures contre armes à feu et tenues de cuir, puis Sekiro, un jeu d’action très technique tout en parades et esquives offrant des combats parmi les plus stylés et gratifiants tous jeux vidéo confondus. Là encore les suiveurs furent nombreux mais que ce soit Lies of P – bien trop scolaire – ou Wo Long Fallen Dynasty – ennuyeux passé la moitié – personne ne fit de l’ombre au studio japonais.

Et en 2022, FromSoft frappa un nouveau coup avec Elden Ring. En redéfinissant les codes du monde ouvert tout en gardant ce qui faisait le charme des Dark Souls, le jeu a su fédérer un grand nombre joueurs, méritant amplement son titre de « Jeu de l’année 2022 ». Certes, tout n’était pas parfait et quelques écueils ne furent pas évités – notamment la redondance de grottes et autres catacombes peu variées – mais ce n’était pas grand-chose face au chef d’œuvre accompli. Autant dire que le DLC Shadow of the Erdtree était attendu comme le messie par beaucoup.

Un vaste royaume à explorer…

Après avoir examiné le bras décharné se trouvant dans au sommet du Palais de Moghwyn, notre sans-éclat est transporté dans le Royaume des Ombres. Aux côtés de nouveaux compagnons, vous vous mettrez en quête du bienveillant Miquella, demi-dieu et frère de Malenia. Contrairement à d’habitude, les tenants et aboutissants de la trame générale sont bien plus simples à saisir. Les dialogues et cinématiques émaillant votre périple sont riches en informations et il n’est pas possible de vous perdre si vous prêtez attention à ce que l’on vous dit. De même, les quêtes des différents PNJ ne demandent plus de complexes manipulations et si vous prenez le temps de discuter régulièrement avec eux, vous ne devriez rien rater. Pour ce qui est du lore propre à cette région, il passe une fois de plus par la narration environnementale et les descriptions des divers objets trouvés. On y découvre de nouvelles choses et certaines zones d’ombre du jeu de base sont éclaircies. Les amateurs de mythologies vidéoludiques seront ravis.

Visuellement parlant, c’est absolument magnifique. Le Royaume des Ombres est fragmenté en différentes zones à l’ambiance unique et recèlent des panoramas à couper le souffle. Une fois de plus, les artistes du studio ont fourni un travail remarquable et j’ai rarement passé autant de temps à juste observer l’horizon. Mais, et c’est la grande nouveauté par rapport au jeu de base, il faudra aussi regarder en haut et en bas. En effet, les grandes plaines relativement plates de l’Entre-terre laissent place à une verticalité digne de Dark Souls. La carte est décomposée en différents paliers, parfois superposés les uns aux autres, ce qui crée ce petit effet « Wow » lorsque, après plusieurs mètres de descente et un sombre tunnel, vous vous retrouvez face à une immense plaine fleurie. Cette construction ajoute également un petit côté Metroidvania car si certaines zones sont visibles de loin, les atteindre vous demandera parfois pas mal de recherches et d’allers-retours. Il en ressort une exploration absolument grisante pour tous ceux qui, comme moi, font passer cet aspect avant tout le reste. Personnellement, c’est le point que j’ai le plus apprécié dans mon expérience.

Concernant le remplissage de ce monde ouvert, FromSoft a joué la carte de la qualité plutôt que la quantité. Moins nombreuses, les grottes et catacombes sont beaucoup plus intéressantes à fouiller grâce à des gimmicks uniques. De même, les forges – une nouveauté introduite dans le DLC – mettent à l’épreuve votre observation plutôt que vos talents de combattant et il est plaisant de ne pas devoir affronter systématiquement un boss à la fin. Mais ce n’est rien face aux donjons. C’est là que toute la maîtrise en termes de level-design des développeurs brille le plus. S’étendant sur plusieurs niveaux et fourmillant de passages secrets et autres mécanismes cachés, ils sont extrêmement fun à parcourir. Mention spéciale pour le labyrinthique Château Noir et ses multiples points d’entrée et de sortie qui m’aura pris une après-midi à entièrement visiter. À noter que le saut est bien plus mis à contribution qu’avant et qu’il n’est pas rare de devoir se jeter dans le vide… Si les structures alambiquées aux nombreux passages dérobés vous manquent, vous serez gâtés ici.

… mais très mal fréquenté

Mais Elden Ring n’étant pas un simulateur de promenade, vous devrez bien évidemment vous battre contre une horde d’ennemis. Comme d’habitude, les designs sont très recherchés et oscillent entre monstruosités perturbantes et chevaliers en armure scintillantes. Le DLC possède sa propre faune et à quelques exceptions près – dont ces satanés esprits d’arbre – vous rencontrerez majoritairement des nouvelles têtes. Et s’il y en a forcément moins que dans le jeu de base, ils sont en contrepartie beaucoup plus violents. Entre les moines sautant partout, les chevaliers qui tourbillonnent à l’infini ou ces immenses paniers enflammés, vous allez souvent suer à grosses gouttes pour vous frayer un chemin. Rien d’insurmontable toutefois si vous usez de patience et d’observation. Une technique qui ne fonctionne malheureusement plus vraiment pour les boss qui sont ma déception de ce DLC.

Jusqu’à présent, les boss des jeux FromSoft étaient de vraies réussites. Des mécaniques claires et des patterns lisibles faisaient qu’en prenant notre temps et en apprenant les coups, on pouvait venir à bout de tous les obstacles. S’en suivait alors un vrai sentiment d’accomplissement lorsque l’on parvenait à assimiler les timings pour enfin défaire notre ennemi avec notre build fétiche. Et bien, ce n’est plus la cas ici. S’ils sont toujours magnifiques, les boss sont maintenant pensés uniquement dans le but de tuer le joueur et non plus lui apprendre à combattre. La moindre pichenette vous arrache la moitié de votre barre de vie, certains ont des enchaînements de plusieurs dizaines de secondes durant lesquelles vous ne pouvez rien faire quand d’autres sortent d’énormes attaques sans aucun temps mort. C’est juste dur pour être dur et ces duels prennent des allures de course au DPS, l’objectif étant de taper plus vite et plus fort qu’en face… Dès lors, sortir victorieux n’a plus grand-chose de gratifiant et c’est avec un goût amer que je me suis débarrassé de certains avec un coup de chance quand d’autres se sont juste faits atomiser par un build particulièrement efficace. La palme du plus mauvais design allant sans conteste au boss final – bien plus difficile que Malénia – qui est un véritable festival son et lumière inondant l’écran d’attaques sans vous laisser le temps de respirer. Difficile de comprendre la volonté des développeurs devant de tels designs qui exigent des esquives parfaites sous peine de mort quasi garantie… Peut-être une volonté de nous pousser à nous adapter en permanence ? Bref, ces affrontements sont ratés mais n’entachent heureusement en rien le reste du contenu.

Si l’on omet la plupart des combats de boss, j’ai adoré de bout en bout Shadow of the Erdtree. Riche en révélations scénaristiques et offrant parmi les plus beaux paysages du jeu vidéo récent, mes 25 heures d’exploration m’ont rempli la tête de souvenirs incroyables et de panoramas à couper le souffle. Assurément un excellent ajout au jeu de base et une nouvelle leçon de level-design. L’envie de relancer une énième partie pour tester de nouveaux builds sera difficile à canaliser…

AlxZ_Rex

AlxZ_Rex

J'écris mes articles à Rabanastre tout en recherchant mon courage dans Alien.

Articles: 26

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *